« Je me suis toujours vu et senti joueur de tennis » mais « chaque match » joué cette semaine au Masters 1000 de Paris « me rappelle pourquoi je m’arrête », a raconté en conférence de presse Gilles Simon, dont la carrière a pris fin, à 37 ans, avec une défaite en huitièmes de finale face à Félix Auger-Aliassime jeudi.
Comment avez-vous vécu vos adieux ?
« Pendant le match, j’étais vidé, pas blessé, mais mon corps ne répondait pas. J’ai essayé de pousser mais c’était très difficile. Je l’ai senti très tôt. Je m’y attendais, ce n’est pas une grosse surprise non plus. Maintenant, je me sens toujours vidé, et blessé à la jambe gauche. Mais ce n’est pas grave maintenant. Je sens qu’il y a beaucoup d’émotions qui viennent mais je suis trop fatigué pour les affronter pour l’instant. Ça a été une très, très longue semaine. »
Quels sentiments avez-vous en tête ?
« Vraiment je suis serein parce que j’étais sûr de ma décision. Cette semaine, chaque match m’a rappelé pourquoi j’en étais sûr : le stress d’avant-match, les douleurs d’après-match, quand ça s’enchaîne… Ça devenait difficile à supporter. Il y a toute une partie de carrière où tu progresses. A un moment, tu as le même stress, la même douleur, mais tu ne gagnes plus… Ce n’est plus exactement la même chose quand tu sens que tu n’avances plus. Et qu’à cause de ça, le stress, et les douleurs avec l’âge, augmentent encore plus. Cette semaine, après deux matches (ses deux premiers tours victorieux face à Andy Murray et Taylor Fritz, NDLR), je sors complètement vidé, ça me rappelle pourquoi je m’arrête. Une partie de moi est soulagée que ces trucs-là s’arrêtent. Il y a énormément de choses que j’ai aimées, le tennis, ça a toujours été ma passion, mais ce n’est pas comme si tout était du bonheur de 8 heures du matin au coucher. Certaines choses qui vont s’arrêter ne vont pas me manquer : le poulet-riz blanc avant le match, les aéroports… J’ai une liste. »
Avez-vous des regrets ?
« Est-ce que ça peut être mieux, est-ce que ça peut être moins bien ? Sur vingt ans, c’est évident que oui, dans les deux sens. C’est pour ça que dans l’ensemble, je n’en ai pas. Je suis juste chanceux d’avoir été joueur de tennis, c’est ce que j’ai toujours voulu être. J’ai été joueur de tennis professionnel, j’ai pu le faire pendant très longtemps, et j’ai pu m’arrêter où je voulais : j’ai été chanceux trois fois. »
Qu’est-ce qui va vous manquer ?
« Jouer au tennis. J’ai toujours adoré, je joue tout le temps. Ce qui fait que j’arrête, c’est que je ne suis plus capable de le faire, que ça fait trop mal. Dans ma tête, je suis joueur de tennis ; et peu importe ce que je vais faire après, je serai joueur de tennis. J’arrête parce que je ne peux plus continuer. Si j’étais en forme et que je pouvais jouer normalement, je jouerais vingt ans de plus. J’ai commencé à jouer au tennis à six ans, à dix, je faisais déjà des Championnats de France, à treize j’étais en sport-études, ça a été un très long chemin. C’est ça qui va me manquer principalement : je me suis toujours vu et senti joueur de tennis, et demain matin, je ne le suis plus. Je sais que l’envie de transmettre sera là à un moment, mais je ne sais pas encore dans quelle forme ni quand, parce qu’il y a un truc plus important pour moi que transmettre pour l’instant, c’est ma famille. »
Que répondez-vous à ceux qui trouvaient votre jeu ennuyeux ?
« Les spectateurs, c’est grâce à eux qu’on peut vivre de notre passion, ils paient leur place, s’ils trouvent le match ennuyeux, ils ont le droit de le dire. Ils ont le droit de dire si le film leur plaît ou pas. J’ai un jeu particulier, d’autres joueurs ont mon style. Pour moi, en tant que joueur, ce n’est pas moins intéressant, mais je peux complètement comprendre. Ce qui est difficile, c’est que quand on fait un match avec Andy (Murray) par exemple, il y a une dimension tactique et, l’air de rien, une maîtrise colossales pendant le match, mais invisibles. Parce que ce n’est pas un truc hyper impressionnant. Mais les balles sont ralenties comme il faut, elles touchent les zones qu’il faut… C’est très difficile et ça demande une grande maîtrise, beaucoup plus finalement que juste frapper en cadence, comme on voit la plupart des joueurs faire, mais qui paraît toujours plus impressionnant. C’est plus facile à comprendre et c’est plus spectaculaire. Quand Jo (Tsonga) sert à 220 km/h et fait un smash sauté dans la foulée, moi aussi je trouve ça fantastique, mais je sais pas faire par contre… »