Alors que les Jeux olympiques d’été approchaient, la torche a atteint lundi 21 juin la ville de Sendai, dans la préfecture de Miyagi, pour enfin y compléter son périple de la région du Tohoku, au nord-est du Japon, zone gravement touchée par le séisme et tsunami de 2011. Ainsi, après que le jeune haltérophile Masaki Sasaki, dernier porteur du flambeau pour le relais de cette préfecture, eut énoncé sa volonté de participer aux futurs JO 2024 à Paris, c’est la maire de Sendai, Kazuko Kori, qui a pris la parole. Elle a exprimé un message d’espoir et de ralliement pour la reconstruction de la région, avancée, mais toujours en progrès, mais aussi pour célébrer la venue des épreuves. C’est d’ailleurs sous le titre de « flamme de la reconstruction », ou encore sous la devise de ces jeux, « Hope lights our way » (l’espoir éclaire notre chemin), que la torche était arrivée symboliquement de Grèce à Fukushima.
Bien qu’il ait été au cœur du drame en 2011, le Tohoku a su faire face à la tragédie et renaître de ses cendres. Il a une place unique et riche dans l’histoire japonaise et est pourvu d’un peuple uni et résilient aux épreuves. Après avoir accueilli avec succès la Coupe du monde de rugby à XV 2019 masculine, la région va désormais mélanger la flamme qui l’anime avec celle des Jeux olympiques d’été 2020.
Présentons d’abord le stade de Miyagi, un stade qui accueillera 10 rencontres de football entre le 21 et 31 juillet. Parmi 7 matchs en football féminin et 3 en football masculin, il y aura un match de quart de finale le 30 juillet pour le tournoi féminin et un autre le 31 juillet pour celui masculin.
Part du complexe sportif Grande 21 à Rifu, situé à seulement un peu plus de 10 kilomètres de la gare de Sendai, c’est le 7e plus grand stade de football japonais et le 1er dans la région du Tohoku avec sa capacité de plus de 49 000 spectateurs. Sans compter les rencontres de rugby et de football américain, avec sa piste à 9 voies qui entoure sa pelouse, c’est aussi le lieu de compétitions d’athlétisme. Dans son palmarès, on notera l’accueil du 56e festival national des sports du Japon en 2001, 3 matchs dans la coupe du monde de football 2002 et 6 matchs dans coupe du monde féminine de football des moins de 20 ans 2012.
Quant à l’histoire de ce stade, son architecte Hitoshi Abe, né à Sendai, l’a conçu avec une symbolique particulière. Tout en préservant la forme close d’un stade et ses fonctionnalités, avec ses deux toits qui recouvrent la majorité des tribunes, le stade brise sa symétrie, s’ouvre vers l’extérieur et fait contraste avec le paysage montagneux des alentours. D’autre part, son toit conçu en forme croissant de lune n’est pas fruit du hasard. Il s’agit d’une référence historique envers le kabuto orné de Date Masamune, seigneur féodal ayant fondé le domaine de Sendai à l’époque où le Japon s’est unifié.
Mais encore un autre point important sur ce stade, c’est son rôle dans la tragédie du séisme de 2011. Malgré ses dégâts importants, le stade et son complexe sportif ont servi en tant que centre d’opérations pour les sauveteurs déployés dans cette zone. Recevant par la suite de nombreux soutiens financiers, dont de la part de la FIFA, le stade est devenu centre de nombreux événements. Il s’est donc transformé en moteur économique pour la reconstruction de la région. C’est même avec sa pelouse, fournie par l’entreprise Sendai Nursery qui est dirigée par un ancien rugbyman, que le stade participe activement au soutien de sa région ; ce gazon sportif est produit à partir des anciennes terres ravagées par le tsunami. Le stade de Miyagi représente donc le pont entre le sport, l’esprit sportif, l’espoir et la reconstruction de la région : de quoi justifier sa sélection pour ces jeux.
De surcroît, si l’on parle de stades, d’espoir et de la renaissance de la région du Tohoku, alors le Kamaishi Unosumai Memorial Stadium (Kamaishi Recovery Memorial Stadium) est un lieu incontournable. Comme son nom l’indique, il est situé à Kamaishi, l’une des villes ayant subi les pires dommages en 2011. Ce stade se tient là où auparavant, se tenait une école qui a été ravagée par les vagues du tsunami. La petite ville de la préfecture d’Iwate, liée à l’industrie de l’acier et de la pêche, voue une forte affection envers le rugby avec son équipe locale aujourd’hui nommée Kamaishi Seawaves RFC. Fondée vers les années 50, l’équipe avait notamment remporté pendant 7 années consécutives la compétition nationale de rugby entre 1978 et 1984, obtenant le surnom « les hommes de fer du nord-est ». Ce fut donc un grand honneur, mais aussi le fruit de beaucoup d’efforts pour Kamaishi d’accueillir la coupe du monde de rugby 2019. Malgré la capacité du stade de 16 000 spectateurs, le plus petit stade de la coupe, il a accueilli la rencontre Fiji-Uruguay le 25 septembre 2019 et aurait dû accueillir la rencontre Namibie-Canada le 13 du mois suivant, annulée pour cause de typhon. Ainsi un petit lieu saint pour les amateurs de rugby japonais, on y trouve littéralement un temple construit derrière ses tribunes dédié aux offrandes et prières pour le dieu du rugby !
Mais encore, le bois qui compose les sièges et la loge VIP est celui sauvé parmi les cendres d’un feu de forêt qui a fortement frappé la préfecture d’Iwate. Sa pelouse hybride, première en son genre au Japon, en plus de son coût d’entretien en eau très modeste, avait été qualifiée comme celle de meilleure qualité dans la coupe de 2019.
Retournant ensuite vers le sujet du relais de la torche olympique, c’est aussi la culture régionale et la reconstruction des zones les plus touchées qui ont été mises à l’honneur.
Point de départ pour le relais dans Miyagi, Kessennuma, une ville portuaire qui fut violemment frappée par le tsunami, a laissé des images choquantes de bateaux échoués au cœur de la ville. Akihiko Sugawara, dirigeant de la brasserie de sake Otokoyama Honten, fut sélectionné pour devenir porteur du flambeau afin de représenter la solidarité locale, pendant et après le désastre, et pour la qualité de ses produits du terroir. En effet, même dans le deuil, c’est grâce à la solidarité que sa cuvée de mars 2011 fut sauvée — alors achetée de par tous les coins du pays en tant que soutien.
En outre, si le Japon équivoque la modernité et la technologie, avec Tokyo ou encore Osaka, on ne peut pas lui soutirer sa fascinante culture traditionnelle. Bien que Kyoto en soit le symbole le plus célèbre, attirant les touristes du monde entier, la région du Tohoku, avec ses grandes portions rurales, en est le modèle parfait. Sa population continue encore de nos jours à vivre proche de ses vieilles traditions, en harmonie avec la nature.
C’est ainsi que par exemple, dans la région montagneuse de Hachimantai partagée entre les préfectures d’Akita et Iwate, réputée pour sa beauté en automne, on peut profiter d’une nature vierge, luxuriante et à l’air pur. Avec des vues splendides du haut de nombreuses montagnes, on peut découvrir cette oasis verte depuis la selle d’un vélo de montagne — de marque française si peu que vous vous rendez à Lodge Clubman. Ou encore, en se dirigeant vers Akita, on peut découvrir le lac le plus profond du Japon, le lac Tazawa, avec son eau pure d’une couleur azure digne des plus belles plages. Les légendes locales qui l’entourent, avec la statue de Tatsuko, ou bien les nombreuses activités outdoor à profiter, comme admirer le paysage depuis une tente flottant au milieu du lac, ne font qu’embellir cet endroit. Même dans les saisons les plus froides, les activités continuent grâce aux sports d’hiver.
Mais ces activités outdoor et sportives ne sont pas au détriment de la culture traditionnelle et culinaire. En parallèle avec les fins mets culinaires de la cuisine kaiseki, la région propose nombreuses spécialités locales : le Wanko Soba d’Iwate, les brochettes de riz grillé kiritanpo d’Akita, la langue de bœuf pour Miyagi ou les grillades à la braise de charbon style Irori-yaki sur foyer traditionnel le long des côtes. Toujours une hospitalité et qualité du service digne du Japon, les splendides hôtels et autres hébergements proposent souvent l’accès à des bains thermaux aux vertus thérapeutiques.
En dernier point, on insistera que le Tohoku est une région riche d’histoire, en particulier idéale pour toucher du bout des doigts la légende des samouraïs. À Kakunodate, à Akita, où s’alignent les anciennes demeures de samouraïs dans un quartier historique, les descendants de cette noble classe guerrière ouvrent les barrières de ces vieux bâtiments au public. Dans ces propriétés, qui sont d’ailleurs entourées de magnifiques jardins, les descendants exposent fièrement d’authentiques reliques du passé, dont les armures et katanas de leurs glorieux ancêtres. On mentionnera aussi Zuihoden, le splendide et hautement ornementé mausolée de Date Masamune, plongé dans son havre de paix à Sendai.
Nous achevons ici notre présentation de cette charmante région du Tohoku. Accueillant partiellement les Jeux olympiques d’été 2020 après s’être rebâtie, tirant ses forces de la solidarité et de l’esprit sportif, c’est une lueur d’espoir et source d’inspiration située au nord-est du Japon, une région de nature luxuriante, d’histoire et de tradition ; nous pourrons bientôt l’admirer depuis nos écrans avec le début des JO à venir.