La gloire puis l’attente : un siècle de tennis français

Des Mousquetaires à aujourd’hui, les Français brillent souvent, mais gagnent rarement les grands titres. Le tennis tricolore, une histoire de panache… sans couronne.

Le tennis français est une terre riche en talents, en espoirs… et en rendez-vous manqués. Des Mousquetaires des années 1920 à la génération Tsonga, Monfils et Gasquet, les Bleus ont souvent brillé, parfois émerveillé, mais rarement régné. Une histoire faite de flambées brillantes et de frustrations récurrentes.

Des pionniers aux Mousquetaires

L’histoire du tennis français commence en majesté. Dans les années 1920-1930, les “Quatre Mousquetaires” – René Lacoste, Henri Cochet, Jean Borotra et Jacques Brugnon – font rayonner la France sur la scène mondiale. Entre 1927 et 1932, ils remportent six fois la Coupe Davis et de nombreux tournois majeurs. Lacoste (7 Grands Chelems), en particulier, reste un symbole d’intelligence tactique et d’élégance, au point de devenir une marque à lui seul. Avec 7 Grands Chelems en simple Henri Cochet était sans doute le mousquetaire le plus brillant. C’est l’âge d’or. Mais il sera bref.

L’après-gloire : désert ou transition ?

Après-guerre, la France ne parvient plus à rivaliser au sommet. Quelques noms émergent, mais aucun ne s’impose durablement dans les tournois du Grand Chelem. Yannick Noah, fils d’un footballeur camerounais, change la donne en 1983 : il remporte Roland-Garros, devant un Central en fusion. Il reste à ce jour le dernier Français à avoir gagné un Majeur chez les hommes.

Noah incarne la dernière victoire… mais aussi le début d’un nouveau paradoxe : la France forme, excite, fait rêver, mais ne gagne plus quand ça compte vraiment.

La génération 1980-90

Une vague de talents français avait porté les espoirs du tennis tricolore dans les années 1980-90. Emmenée par Guy Forget, élégant gaucher au service-volée redoutable, et Cédric Pioline, finaliste à l’US Open en 1993 et à Wimbledon en 1997, cette génération a su rivaliser avec les meilleurs sans toutefois franchir l’ultime marche. Aux côtés d’eux, des joueurs comme Henri Leconte, fantasque et génial, Sébastien Grosjean qui a atteint le dernier carré de 3 Majeurs différents, Arnaud Boetsch, solide combattant, ou encore Fabrice Santoro ancien membre du top 10 mondiale ont aussi marqué les esprits. En 1991, Forget et Leconte offrent à la France une victoire historique en Coupe Davis, la première depuis l’ère des Mousquetaires. Une équipe attachante, talentueuse, qui aura ramené la France sur le devant de la scène sans pour autant inscrire son nom en haut du palmarès des tournois majeurs.

Une génération dorée… sans titre majeur

À partir des années 2000, une génération flamboyante surgit. Jo-Wilfried Tsonga, Gaël Monfils, Richard Gasquet et Gilles Simon font tous partie du top 10 mondial. Leur style spectaculaire, leur charisme et leur longévité enthousiasment le public. Tsonga atteint la finale de l’Open d’Australie 2008, bat Federer et Djokovic à plusieurs reprises. Gasquet joue trois demi-finales en Grand Chelem. Monfils devient une star, aussi imprévisible que populaire en atteignant deux demi-finales. Gilles Simon s’est qualifié en seconde semaine des quatres tournois majeurs.

Mais malgré tout, aucun ne parvient à décrocher un titre du Grand Chelem. En face, le mur s’appelle Nadal, Federer, Djokovic, Murray voire Wawrinka. Cette génération française est brillante, attachante… et bloquée.

Les femmes aussi en quête d’un Graal

Pionnière du tennis féminin, Suzanne Lenglen fut une icône mondiale des années 1920, mêlant élégance, domination et modernité dans un sport encore réservé à une élite.

Depuis chez les femmes, les dernières grandes chances françaises s’appelaient Mary Pierce (double vainqueure en Grand Chelem dont Roland-Garros, mais formée au Canada), Amélie Mauresmo (n°1 mondiale, titrée à Wimbledon et à Melbourne), puis Marion Bartoli, vainqueure surprise de Wimbledon en 2013.

Mais depuis, le désert s’installe. Caroline Garcia a connu des éclairs, notamment en remportant le Masters en 2022, mais peine à s’installer durablement au plus haut niveau. Derrière, la relève tarde à s’imposer.

Une formation d’élite, des résultats en pointillés

La France est pourtant l’un des pays les mieux structurés en matière de formation, avec la Fédération française, l’INSEP et Roland-Garros comme moteur. Elle produit régulièrement des joueurs du top 100. Mais rares sont ceux qui font le saut vers l’excellence mondiale.

La faute à quoi ? À un manque de « killer instinct », comme certains le disent ? À une pression médiatique excessive ? Ou tout simplement à un contexte international ultra-compétitif où les nations de l’Est, l’Amérique du Sud, l’Espagne et les États-Unis dominent historiquement ?

Et demain ?

La relève existe. Arthur Fils, Ugo Humbert, Giovanni Mpetshi Perricard chez les hommes, Loïs Boisson, Elsa Jacquemot, Léolia Jeanjean, Varvara Gracheva ou Diane Parry chez les femmes, tous montrent des promesses. Mais le chemin est long. Et la question revient : qui sera le prochain(e) Français(e) à remporter un Grand Chelem ?

En attendant, la France reste une grande nation de tennis sans grande couronne depuis trop longtemps. Une histoire de panache… sans consécration.