Génération 90 : la relève brillante… qui n’a jamais régné

Ils devaient succéder à Federer, Nadal et Djokovic. Mais la génération 90 n’a jamais pris le pouvoir. Que s’est-il passé avec cette génération ?

Ils étaient promis à tout. Daniil Medvedev, Alexander Zverev, Dominic Thiem, Stefanos Tsitsipas, Casper Ruud… Nés dans les années 1990, ces joueurs de tennis ont longtemps incarné l’avenir du circuit masculin. Talentueux, précoces, spectaculaires : tout semblait réuni pour qu’ils dominent leur époque. Pourtant, à l’heure où émerge une génération encore plus jeune – celle des Alcaraz et Sinner – ces champions se heurtent à une question troublante : et si leur règne n’avait jamais eu lieu ?

Une génération taillée pour tout gagner

Le tennis masculin n’avait pas vu autant de promesses réunies depuis longtemps.

  • Daniil Medvedev (1996) : ancien numéro 1 mondial, finaliste dans quatre Grands Chelems, vainqueur de l’US Open 2021.
  • Alexander Zverev (1997) : champion olympique 2021, vainqueur de 7 Masters 1000, finaliste à l’US Open 2020 et à Roland-Garros 2024.
  • Dominic Thiem (1993) : trois fois finaliste en Grand Chelem mais vainqueur de l’US Open 2020.
  • Stefanos Tsitsipas (1998) : vainqueur du Masters 2019, double finaliste en Grand Chelem.
  • Casper Ruud (1998) : trois finales de Grand Chelem, dont deux perdues face à Nadal et Djokovic.

Chacun de ces joueurs a connu un moment fort. Chacun a été vu comme le successeur naturel du Big Three. Pourtant, aucun ne s’est réellement imposé comme patron du circuit.

Une barrière infranchissable : le Big Three

Entre 2004 et 2024, Federer, Nadal et Djokovic ont écrasé toute concurrence. À eux trois, ils ont remporté 66 Grands Chelems, repoussé chaque tentative de prise de pouvoir, et laissé peu de place aux autres. Même quand ils semblaient ralentir, ils revenaient plus forts.

  • Thiem a remporté son unique Grand Chelem en 2020, lors d’un tournoi privé de Federer, Nadal et Djokovic.
  • Medvedev a battu Djokovic en finale de l’US Open 2021, mais s’est depuis heurté à l’arrivée de la nouvelle vague et a été traumatisé par sa finale perdue face à Nadal à l’Open d’Australie en 2022.
  • Zverev et Tsitsipas ont chacun mené deux sets à zéro contre Djokovic en Grand Chelem… avant de s’effondrer.

Le Big Three n’a pas seulement dominé les matchs. Il a imposé une norme d’excellence physique, mentale et tactique, que cette génération n’a jamais su égaler sur la durée.

Blessures, doutes, pression : les freins invisibles

• Des corps mis à rude épreuve

Thiem a vu sa carrière s’interrompre brutalement après une blessure au poignet. Zverev s’est gravement blessé à la cheville en demi-finale de Roland-Garros 2022. Raonic, Nishikori et d’autres nés en début de décennie ont connu des saisons blanches.

• Une pression constante

Beaucoup de ces joueurs ont été désignés très jeunes comme les futurs numéros 1 mondiaux. Une étiquette lourde à porter. Thiem a reconnu avoir sombré mentalement après son titre. Tsitsipas, quant à lui, peine à retrouver son niveau après plusieurs grosses désillusions.

• Une génération plus brillante que dominante

Ils ont marqué leur époque par leur jeu, leur personnalité, mais jamais par un règne incontestable. Ils ont souvent été bons… mais rarement au bon moment. Et quand les portes se sont entrouvertes, un certain Novak Djokovic est revenu les refermer.

Une transition avortée

Le plus ironique ? Ce n’est pas cette génération qui a mis fin à l’ère du Big Three, mais la suivante. Carlos Alcaraz (né en 2003) a remporté déjà 5 Grands Chelems, Jannik Sinner (né en 2001) en a quant à lui 3.

Aujourd’hui, ces trentenaires ou presque sont pris en étau : trop jeunes pour avoir défié le Big Three à leur apogée, trop vieux pour rivaliser avec la fougue d’Alcaraz et Sinner. Leur fenêtre de tir se referme, sans qu’ils aient jamais vraiment pu l’ouvrir.

Une génération oubliée ?

Faut-il pour autant les enterrer ? Certainement pas.
Medvedev reste un joueur redoutable sur dur. Zverev est revenu fort après sa blessure et peut performer sur toutes les surfaces. Tsitsipas et Ruud peuvent encore surprendre surtout sur terre battue. Mais l’idée d’un règne collectif semble désormais appartenir au passé.

La génération 90 restera sans doute celle des talents inaboutis, non pas par manque de niveau, mais parce qu’ils ont eu à affronter le sommet d’un âge d’or, puis l’explosion d’une jeunesse sans complexes. Une génération piégée entre deux ères… et qui aura brillé sans régner.