Carlo Ancelotti explique comment manager sous pression

Dans le cadre du rendez-vous mensuel proposé par Votre Coach by Groupe BPCE, l’entraîneur du Real Madrid s’est livré dans long entretien sur certaines de ses méthodes de management.

Hiérarchiser les pressions

Du Milan AC présidé à l’époque par un certain Silvio Berlusconi à l’institution Real Madrid, désignée par la FIFA “meilleur club du XXe siècle”, en passant par le Chelsea du milliardaire russe Roman Abramovitch ou le PSG version Qatari… Carlo Ancelotti a assis sa notoriété sur des bancs toujours “brûlants”. Des bancs qui attisent les convoitises, les critiques, les exigences. “Un entraîneur doit faire face à de nombreuses pressions : celle du club, des media, des supporters, des joueurs… et il est très important de bien les identifier pour savoir celles que l’on peut directement contrôler”, prévient d’emblée l’Italien. Bien sûr, il ne balaie pas la difficulté de la tâche, notamment dans les périodes de tourmente, regrette d’ailleurs que trop de ses confrères perdent leur énergie en oubliant parfois les priorités. “Les pressions de la presse et du public, insiste-t-il, ne sont (pourtant) pas aussi déterminantes dans le travail”. Sa concentration, Ancelotti la focalise sur son vestiaire. “Parce que je sais que la force d’un entraîneur, ce sont ses joueurs. Et nous sommes tous dans le même projet ! Chaque individu à l’intérieur du groupe a naturellement sa propre motivation ; mais l’essentiel reste que toutes ces volontés personnelles aboutissent à une détermination collective.” C’est cette pression qui le “préoccupe le plus”, celle qui est “aussi la plus difficile à contrôler car un vestiaire ne ressemble jamais à un autre”. La formule vaut aussi pour les clubs, remarquez…même si là, Ancelotti tempère : “où que vous soyez, on vous demande des résultats. Des victoires, des titres ou un maintien, mais toujours des résultats !” Pour autant, ce technicien au palmarès en or massif ne néglige pas cette pression venue d’en-haut: “Le club veut du travail et je dois répondre à cette exigence”. Et ce, tout en restant – autre source de pression quelque part -, fidèle à son histoire. “Au Real Madrid, comme au Milan AC, le football se doit par tradition d’être spectaculaire ; dans d’autres clubs, ce peut être différent… Il faut respecter ces identités de jeu.”

Chercher l’harmonie dans le vestiaire

Riche d’un centre d’entraînement “Cinq Etoiles” à l’extérieur de la capitale espagnole, le Real Madrid offre de formidables installations de travail à ceux que l’on surnomme Los Merengues. Plus qu’un simple confort, aux yeux d’Ancelotti, une nécessité pour protéger ses joueurs d’un environnement surmédiatisé. “Ce n’est pas une question de secrets mais on a besoin de tranquillité pour bien travailler. Ici (au centre), c’est un lieu sacré, comme le vestiaire, où personne ne peut entrer, où nous sommes seuls.” Une aide importante, appréciée donc…Laquelle ne doit tout de même pas faire oublier la plus grande force d’Ancelotti sous la pression : son management ! Dans sa vie d’entraîneur – sa vie tout court, à en croire sa compagne à nos côtés durant l’entretien -, l’intéressé a un principe : être écouté, oui, mais dans le respect. “En tant qu’entraîneur, j’ai beaucoup de pouvoirs, rappelle-t-il. Je peux décider, demain, d’un entraînement à 5h du matin par exemple ! Seulement, je n’aime pas baser mon fonctionnement sur une relation d’autorité. Mes joueurs ont une personnalité, des idées, et j’aime parler d’égal à égal avec eux.” Sans rogner son champ décisionnel, il en ressort, selon lui, un échange “plus sincère” avec ses hommes, plus constructif. “Combien de joueurs m’ont donné des idées ! assure “Carletto”. Si, lorsque j’entraînais Milan, j’ai placé Andrea Pirlo milieu défensif, c’est parce que LUI m’a fait comprendre que c’était possible, qu’il en avait l’envie.” Une idée tellement belle que, plus de 10 ans après, le maestro évolue toujours dans ce registre ! Cette ouverture et cette proximité avec ses hommes facilitent aussi l’observation de l’entraîneur madrilène, aiguisent son attention. Un footballeur qui ne joue pas n’est jamais content, et l’ex- international le sait. Seulement, et c’est un vrai défi, ce joueur doit rester concerné. “Il faut lui donner l’envie de s’entraîner, d’être utile, car ceux qui ne s’entraînent pas bien risquent d’influer sur l’intensité de l’entraînement, d’affecter l’équipe. C’est cela la vraie pression : garder tout le monde motivé !”

Savoir vivre sous pression

Pour dire vrai, Carlo Ancelotti a paru presque étonné qu’on vienne jusqu’à Madrid solliciter ses conseils sur “le management sous pression”. Car, à ses yeux, “tout cela est normal”. Surtout, “une vie sans pression n’est pas motivante. Je crois que la pression dans mon métier, c’est comme de l’essence pour une voiture : cela permet d’avancer”, sourit-il. Son visage, certes, n’affiche pas toujours la même décontraction au cours d’une saison ; mais il dégage rarement une excessive nervosité. L’expérience, sans doute. Un atout évident dans ces ambiances de travail toujours sous surveillance, toujours sur un fil…, parfois orageuses. “Je ne suis pas psychologue mais le vécu engrangé depuis plusieurs années m’aide à gérer certaines situations, glisse l’ancien coach du PSG. Et puis, pour vivre sereinement ce métier, il faut savoir aussi s’accorder des temps de repos. À la maison, tu dois penser à autre chose.” Aller au restaurant avec sa compagne, au cinéma…ou regarder du foot dans son canapé ! “Oui, je me repose quand je regarde un match à la TV !, éclate-t-il de rire. Bon, mon entourage pense peut-être que ce n’est pas vrai… “
Plus sérieusement, Ancelotti insiste aussi sur l’importance d’être bien entouré pour gérer le plus sereinement possible ce quotidien parfois difficile. Dans le domaine privé. Mais au niveau professionnel, aussi. “Toutes les personnes qui travaillent à mes côtés, je les connais très bien : déjà, il y a mon fils, Davide, qui collabore avec mon préparateur physique, lequel est depuis 20 ans à mes côtés, il y a aussi l’entraîneur des gardiens, un fidèle… Cette confiance en mon staff est une chose essentielle : je dois être sûr de mon équipe de travail !” Enfin, à 55 ans, le quintuple vainqueur de la Ligue des Champions (!) rappelle cette évidence, qui n’en est souvent plus une dans le tourbillon d’une saison, dans ce métier capable parfois de rendre “fou” (dixit son ex-confrère Rémi Garde)… “À l’heure du coup d’envoi, trois choses peuvent alors t’arriver : gagner, faire match nul ou perdre. Pire ? C’est impossible !”

Entretien complet disponible en vidéo à l’adresse suivante :
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