Loïck Peyron, le touche-à-tout de la voile

Dans la famille Peyron, on demande Loïck. Le vainqueur de la 10e Route du Rhum avec le maxi trimaran Banque Populaire VII, est un surdoué de la voile capable de passer de la Coupe de l’America à la course océanique en équipage ou en solo avec un égal talent.

A 54 ans, Loïck Peyron remporte la Route du Rhum, une course qu’il a déjà disputée à six reprises. Même s’il a profité de l’abandon prématuré de Thomas Coville (Sodebo Ultim), victime d’une collision dans la nuit du 2 au 3 novembre, sa performance laisse pantois. Au pointage de 20h00 le 2 novembre, le Baulois prenait la tête de la flotte pour ne plus la lâcher. Soit seulement six heures après le départ de Saint-Malo. Et ce d’autant plus qu’il avait pris en mains son bateau seulement deux mois et demi avant le départ, le skipper désigné -Armel Le Cléac’h- ayant été obligé de renoncer en raison d’une blessure à la main. Pas mal non plus pour ce bateau mis à l’eau en 2006 qui avait déjà gagné le précédent Rhum, en 2010 aux mains de Franck Cammas et sous le nom de Groupama 3.

Loïck est comme un couteau suisse

Son palmarès est conséquent avec trois victoires dans la Transat anglaise (1992/1996/2008), deux dans la Transat (en double) Jacques-Vabre (1999-2005), une dans la Barcelona World Race (en double/2011). Sans oublier le Trophée Jules-Verne (en équipage/2012) et cinq titres de champion du monde Orma. Peyron, qui a bouclé sa 49e traversée de l’Atlantique, a également été co-barreur du catamaran Alinghi dans la 33e Coupe de l’America en 2010 et du trimaran Artemis dans la 34e, l’an dernier à San Francisco. Loïck est comme un couteau suisse, il peut tout faire sur un bateau, a dit de lui Ernesto Bertarelli, patron du défi suisse Alinghi. Le skipper de Banque Populaire VII (31,50 m) est aussi à l’aise en monocoque qu’en multicoque, doté d’un sens de la communication hors du commun. Capable de défendre avec un égal brio des points de vue diamétralement opposés à cinq minutes d’intervalle, il ne peut jamais résister à la tentation d’un bon mot. Témoin cette boutade lancée au ministre des Sports de l’époque, David Douillet, à son arrivée à Brest après s’être emparé du Jules-Verne le 7 janvier 2012 avec ses treize équipiers: c’est gentil d’être là… Si j’avais su que vous veniez, je me serais rasé…

Loïck Peyron est le cadet des trois Peyron. Bruno, l’aîné, a remporté le premier Trophée Jules-Verne en 1993 (puis en 2002 et 2005), et Stéphane, le benjamin, ancien véliplanchiste, est journaliste et documentariste. Initiés par leur père officier de marine marchande, Loïck Peyron, ses deux frères et ses deux soeurs ont tiré leurs premiers bords sur le bateau familial. La mise à l’eau du grand monocoque Vendredi 13 (39 m) pour la Transat anglaise de 1972, à laquelle il assiste en compagnie de son oncle et skipper Jean-Yves Terlain, a été déterminante pour l’avenir du jeune Loïck, alors âgé de douze ans. C’est ce jour là qu’il décide de devenir navigateur professionnel. A 18 ans, il réalise sa première traversée de l’Atlantique et n’a, depuis, cessé d’enrichir son curriculum vitae. C’est un skipper recherché car, à la différence de quelques grandes gueules patentées, il élève rarement la voix à bord de ses bateaux et garde son calme même dans les situations délicates. En mer, a-t-il expliqué après le Jules-Verne , j’aime bien dédramatiser. Ce n’est pas parce que les choses deviennent un peu plus compliquées, voire angoissantes, qu’il faut être angoissé soi-même, parce que ça transparait immédiatement sur une équipe.

Le record, c’est anecdotique

Seul, il a dominé ce Rhum , établissant un nouveau temps de référence en 7 jours 15 heures et 08 minutes. Le record, c’est anecdotique, c’est la cerise sur le bateau !, a lancé Peyron. La dernière journée a été difficile, a-t-il reconnu en arrivant à la darse de Pointe-à-Pitre. Depuis le début de la course, je me suis fait peur en permanence et (…), une fois, j’ai failli me retourner, je me suis endormi à la barre. Peyron a révélé avoir connu des soucis avec son bateau, trois jours après le départ, en découvrant une fissure sur le bras avant. Il s’est déguisé en spéléo pour se faire une idée, de l’intérieur, de la gravité de l’avarie. La fissure n’a pas bougé et il a donc continué la course après avoir contacté son équipe technique et les architectes du trimaran. Banque Populaire VII est un bon bateau mais j’ai quand même réussi à le casser, a-t-il plaisanté.