Le Masters de Londres, qui débute dimanche, s’apprête à clôturer une saison 2020 pas comme les autres. Et pour la quatrième année consécutive, aucun Français ne prendra part au rendez-vous des maîtres. La statistique pique mais démontre surtout que le tennis tricolore a perdu de sa superbe. En passant par le mieux classé, Gaël Monfils, jusqu’à Hugo Gaston, le héros du dernier Roland-Garros, voici un petit tour d’horizon de la saison 2020 des tennismen français.
Gaël Monfils : pour le meilleur et pour le pire
Il est tout simplement le dernier représentant tricolore à avoir participé au Masters en 2016. Et « la Monf » a de quoi nourrir des regrets. On ne le saura jamais mais il y a fort à parier que si le numéro un français n’avait pas été stoppé dans son élan, celui-ci aurait enflammé les courts de l’O2 Arena de Londres dans quelques jours. Auteur d’une première moitié de saison monstrueuse, Gaël avait d’énormes sensations et produisait un tennis de très grande qualité. En témoignent ses résultats acquis jusqu’en mars, avant que la pandémie mondiale de coronavirus n’explose. Vainqueur de 16 de ses 19 premiers matches en 2020, dont deux tournois en indoor à Montpellier et Rotterdam, remportés coup sur coup, le Parisien affichait une immense confiance sur le court. Il avait même failli créer l’exploit du côté de Dubaï, en se procurant trois balles de matches face à l’invincible Novak Djokovic lors d’une demi-finale incroyable, autant pour sa qualité de jeu que pour son suspense. Malgré cette défaite difficile à digérer, tous les voyants étaient au vert pour le Frenchy, alors classé 3e provisoirement à la Race (classement depuis le 1er janvier), avant d’aborder la suite de la saison.
Malheureusement, la suite est connue. La crise sanitaire a explosé et a causé beaucoup de tort au Français. A la reprise du circuit, Monfils est méconnaissable et n’est que l’ombre de lui-même. Quatre revers d’affilée au premier tour (Rome, Hambourg, Roland-Garros, Vienne) dont trois sur terre battue, sa surface de prédilection. L’excellent niveau de jeu affiché avant le confinement n’est qu’un lointain souvenir. Le 11e mondial, qui adore faire le show, n’aura finalement jamais réussi à s’adapter aux nouvelles conditions de jeu imposées par le Covid (bulle sanitaire, absence de public, stade désertés…) Frustré et exprimant le souhait de se ressourcer, Gaël a préféré mettre un terme à sa saison juste avant Bercy. « La Monf » repartira au charbon en 2021 et tentera de reproduire son fabuleux début de saison.
Ugo Humbert : l’avenir du tennis tricolore ?
Et si c’était lui la relève du tennis français ? Débutée par un trophée soulevé à Auckland en janvier et conclue par un deuxième titre à Anvers en octobre, Ugo Humbert vient de boucler une saison 2020 de haute volée. Le Masters 1000 de Paris-Bercy, dernier tournoi auquel il a participé, résume à lui seul son année. Un tennis ultra offensif couplé à un sang-froid à toutes épreuves. Du haut de ses 22 ans, le gaucher s’est déjà offert des victoires de prestige. La plus belle de sa carrière, à ce jour, sur le 6e mondial Stefanos Tsitsipas à Bercy, est encore dans les mémoires.
Mais le joueur français n’a pas brillé seulement sur dur en 2020. Avec de bons résultats du côté d’Hambourg (succès sur Medvedev) et à Rome, le joueur français a aussi épaté par ses progrès sur terre battue, surface où il n’est pas forcément prédisposé à bien jouer. Seul bémol dans cet exercice 2020, des résultats décevants en Grand Chelem. Deux défaites au premier tour à l’Open d’Australie et à Roland-Garros et un échec au deuxième tour de l’US Open. Mais s’il gère mieux son calendrier et qu’il s’affûte physiquement, nul doute que le Frenchy va rectifier le tir la saison prochaine. Pointant au 30e rang mondial, Ugo Humbert aura à cœur en 2021 de poursuivre son ascension fulgurante dans l’élite du tennis mondial.
Mannarino et Moutet : les seconds couteaux en embuscade
Tout comme Ugo Humbert, d’autres joueurs ont fait du bien au tennis tricolore en apportant leur patte de gaucher cette saison. Le plus jeune d’entre eux, Corentin Moutet, a délivré une belle copie en 2020. Après s’être extirpé des qualifications, Corentin a débuté fort l’année par une finale à Doha. Sa science tactique et ses cannes de feu avaient eu raison de plusieurs top players comme Stan Wawrinka, Milos Raonic ou encore Fernando Verdasco. De plus, Moutet n’a pas semblé être dérangé par la longue coupure du tennis puisqu’il a égalé sa meilleure performance en Grand Chelem en atteignant le 3ème tour à l’US Open. En revanche, les semaines qui ont suivi ont été plus compliquées. Celui qui s’est également lancé dans le rap a subi une défaite cuisante en disputant le plus long combat de sa jeune carrière contre l’Italien Lorenzo Giustino au premier tour de Roland-Garros. Un duel interminable de 6h05 de jeu (deuxième match le plus long de l’histoire du tournoi derrière le monumental Clément-Santoro), disputé en deux jours. S’en est suivi ensuite un autre événement malchanceux pour Corentin, toujours du côté de Paris, avec un forfait à Bercy en raison d’un test positif au Covid.
Avec une finale au Kazakhstan à son actif, Adrian Mannarino, autre gaucher au jeu malin, a lui aussi signé une saison honorable en 2020. Malheureusement, Manna n’aura pas été verni par le tirage au sort cette année. Par trois fois, le 35e mondial a buté sur Alexander Zverev (US Open, Cologne et Bercy). Mais le gaucher n’a pas à rougir de ces défaites. Lors de chacune de ces confrontations, il a réussi à pousser le 7e mondial dans ses retranchements. Toujours en lice à Sofia en Bulgarie, Adrian a pour objectif d’aller grappiller d’ultimes points précieux pour débuter 2021 en tant que tête de série à Melbourne.
La révélation Hugo Gaston
Il a fait vibrer des millions de français avec sa folle épopée à Roland-Garros. Hugo Gaston, 1m73 pour 68 kilos, mérite le titre de la révélation tricolore la plus improbable de l’année. Invité par les organisateurs, le jeune joueur licencié au Tennis Club de Blagnac a honoré de la plus belle des façons sa wild-card en atteignant les huitièmes de finale du Grand Chelem parisien. Sa patte de gaucher, sa couverture de terrain et ses amorties divinement touchées ont enchanté le (rare) public durant toute la quinzaine. Sa victoire invraisemblable au troisième tour contre Stan Wawrinka, bouclée sur une bulle au cinquième set, est encore gravée dans les esprits. Que dire également de son duel fantastique face à Dominic Thiem, remporté in extremis par l’Autrichien dans l’ultime manche au bout d’un suspense insoutenable ? A 20 ans, Hugo a apporté un vent de fraîcheur incroyable au tennis français avec son style de jeu et sa mentalité. Mais la route est encore très longue. Classé maintenant 157e à l’ATP, le petit gaucher doit retourner en Challenger et confirmer les espoirs placés en lui. Objectif en 2021 : atteindre le top 100.
L’énigme Benoît Paire
Avec un début de saison prometteur et une finale à Auckland, l’Avignonnais semblait aborder 2020 de la meilleure des manières. Mais après sa défaite cuisante contre Marin Cilic en cinq manches au deuxième tour de l’Open d’Australie, Paire s’est perdu en route. Cette année, c’est malheureusement en dehors des courts que le Français s’est le plus illustré. En effet, les fans de la petite balle jaune se souviennent des fameux « Stanpairo », ces apéritifs en visio-conférence organisés pendant le confinement en compagnie de Stan Wawrinka, où les deux joueurs livraient des anecdotes croustillantes sur le circuit. Mais à la reprise de ce dernier, à l’image de Gaël Monfils, Benoît a été fantomatique lors de ses apparitions en tournois. Des abandons à répétition, des matches balancés et une attitude sur le court loin d’être exemplaire. Et seulement une petite victoire à se mettre sous la dent au premier tour à Roland-Garros contre le Sud-coréen Kwon, qui n’avait jamais remporté un match sur terre battue.
Mais pour sa défense, Benoît Paire a vécu une expérience difficile à Flushing Meadows avec la controversée bulle sanitaire. Testé positif au coronavirus, l’Avignonnais avait été contraint de rester cloîtré dans sa chambre d’hôtel. Ce confinement forcé a, sans aucun doute, joué dans l’équilibre psychique et la forme physique du 28e joueur mondial. On espère retrouver un Benoît apaisé en 2021 pour nous faire vibrer avec sa merveille de revers.
Gilles Simon et Richard Gasquet : un déclin inévitable
Si le temps ne semble pas avoir de prise sur l’éternel Roger Federer et ses 39 printemps, il en a, hélas sur les « Mousquetaires », la génération dorée du tennis français. A presque 36 et 34 ans, Gilles Simon et Richard Gasquet se rapprochent inexorablement de la fin. Avec un bilan de 10 victoires pour 11 défaites, Gillou vient de boucler une saison 2020 assez terne. Une demi-finale à Montpellier en début d’année et quelques coups d’éclats récents en indoor, avec notamment une victoire sur Shapovalov à Cologne, sauvent un peu la mise. Mais le marathonien Simon n’a plus ses jambes de vingt ans et peine à retrouver une condition physique optimale.
Même constat pour Richard Gasquet. Miné par les pépins physiques, le Biterrois n’a pu débuter sa saison 2020 qu’en février chez lui à Montpellier où il a dû abandonner en quart de finale face à Vasek Pospisil. Très en vue à l’Ultimate Tennis Showdown, le tournoi d’exhibition au format court imaginé par Patrick Mouratoglou, Richie s’était moqué de sa propre condition physique lors d’une réunion avec ses potes sur la chaîne Twitch de Monfils : « En une heure, je suis imbattable ».
En manque de repères et de matches, le 49e mondial n’a pas fait mieux qu’un second tour à l’US Open et une défaite d’entrée contre le métronome Robert Bautista Agut à Roland-Garros. En lice dans le tournoi de Sofia en Bulgarie, tout comme Simon, Gasquet est à la recherche de sensations et de confiance dans cette fin d’exercice 2020.
Copie blanche pour Tsonga et Pouille
Enfin, 2020 aura été synonyme d’année noire pour Lucas Pouille et Jo-Wilfried Tsonga. Pour le premier, le bilan est très simple. Le Nordiste n’a pas disputé le moindre match sur le circuit ATP cette saison. La faute à un coude droit capricieux. Opéré avec succès, celui qui va bientôt devenir père devrait être de la partie à Melbourne en 2021 si tout se passe bien. Mais comme il l’a annoncé il y a plusieurs jours, sa coach Amélie Mauresmo ne sera plus dans son clan la saison prochaine. Après une collaboration de deux ans, la championne de Wimbledon 2006 et Lucas Pouille ont décidé de se séparer.
Tsonga, lui aussi, ne gardera pas un grand souvenir de cette saison 2020 fortement perturbée par l’épidémie de coronavirus. Cette année, le finaliste de l’Open d’Australie 2008 n’a pu disputer que deux tournois en janvier : Doha et l’Open d’Australie. Défait respectivement par Miomir Kecmanovic et Alexei Popyrin, le Manceau a été une nouvelle fois trahi par son corps. Un bassin fragilisé par des oedèmes osseux a finalement conduit Tsonga à stopper sa saison en septembre. Mais le Français se veut rassurant. A 35 ans, la motivation est toujours bien présente. Il faudra compter sur lui en 2021.