Djibril Camara va fêter sa première sélection avec le XV de France en tant que titulaire face au pays de Galles, à Cardiff. Longtemps annoncé sous le maillot bleu, l’ailier du Stade Français cultive une personnalité atypique et un parcours tout aussi étonnant.
A 26 ans, Djibril Camara a un peu moins de mal qu’avant à se fondre dans le carcan imposé par le professionnalisme. Mais combien de managers, entraîneurs et dirigeants a-t-il épuisés ? Champion de France cadets, passé par toutes les équipes de France de jeunes, ce Francilien pur jus est d’abord un garçon bourré de talent, selon l’ex-directeur sportif du Stade Français Richard Pool-Jones, avec qui Camara a entretenu des rapports houleux. Je ne sais pas pourquoi il n’a pas été parmi les premiers noms appelés avec le XV de France, s’interroge son ami Quentin Valançon, avec qui il partage nombre de souvenirs de jeunesse au Stade Français. Tout le monde sait dans le milieu qu’il y en a peu comme Djibril Camara, il met tout le monde d’accord.
Djibril dégage une vraie force, poursuit-il. Il est très tranchant, gainé, félin. Quand il est passé, il devient difficile à arrêter et c’est un défenseur dur sur l’homme.
C’est un joueur agressif mais dans le côté positif du terme, abonde Richard Pool-Jones. Sur un terrain, il a le sens de la révolte.
Avec de telles qualités naturelles, récompensées de débuts en Top 14 dès l’âge de 18 ans, pourquoi ne pas l’avoir lancé avant en Bleu ? Je ne sais pas…, souffle Valançon, avant d’évoquer à demi-mots les quelques débordements hors de la pelouse. Il dit n’avoir aucun regret d’avoir profité de sa jeunesse… mais il a bien raison.
Chez les jeunes, c’était un animal. Il a grillé beaucoup d’étapes vite. La maturité est venue plus tard, glisse l’ancien patron du centre de formation parisien Olivier Terryn, qui l’a vu débarquer en première année de minimes. Camara est intrinsèquement rétif à l’autorité. Que l’on soit clair, il n’a jamais été impoli. Mais quand il n’avait pas envie d’aller à l’école, il fallait lui courir après, en transpire encore Olivier Terryn. En 2012, Camara avait reçu une suspension de six mois fermes et six autres avec sursis pour trois manquements à des contrôles antidopage, par négligence. En difficulté sur le plan sportif comme financier, le Stade Français avait pourtant gardé sa pépite et Pool-Jones l’avait envoyé en stage un mois en Inde aux côtés d’enfants défavorisés, puis deux autres mois dans les cuisines du chef étoilé Guy Savoy. Une punition, avait perçu l’intéressé, pas vraiment convaincu de l’utilité de ces dépaysements. Depuis, Camara se laisse davantage manoeuvrer, surtout par Jean-Frédéric Dubois, l’entraîneur des arrières du Stade Français passé cet hiver au XV de France, qui sait très bien s’y prendre avec Djibril, selon Arnald. Directement encadré dans son club par le capitaine Sergio Parisse, Camara exprime de mieux en mieux tout son potentiel, en s’appuyant sur son tempérament de compétiteur. Djibril, il a une personnalité différente des autres et c’est très bien, relève encore Pierre Arnald, qui a habité un temps en face de chez lui pour mieux le surveiller.
Vendredi, le Parisien sera jugé sur sa capacité à répondre au défi physique des trois-quarts gallois. J’attends qu’il ne soit pas impressionné par le contexte, qu’il donne le meilleur sur le terrain, qu’il amène sa jeunesse, son envie, a exposé Guy Novès. C’est ce qu’on demande à un jeune joueur qui joue son premier match en équipe de France. Il n’y a pas de pression particulière sur lui.