Le mouvement « No bra », particulièrement populaire chez les jeunes adultes, consiste « simplement » à dire adieu au soutien-gorge. Depuis le confinement dû à la pandémie sanitaire, le « No Bra » a pris énormément d’ampleur, et la France se place parmi les pionnières, en faisant partie des pays comptant le plus d’adeptes. Pourquoi ? Quelle est cette nouvelle tendance ? On vous explique.
N’imaginez pas qu’il s’agit là d’une tendance éphémère. Les jeunes ont signé et persistent pour cette pratique depuis bien des années, et elle tend encore à se développer. Et pour cause, dans le cadre d’une enquête IFOP /Xlovecam* sur les habitudes des femmes en Europe à utiliser le soutien-gorge ou pas, les études ont montré que, depuis le confinement, le NO bra et soutien gorge a grandement été boosté.
À l’isolement, les femmes ont clairement abandonné le soutien-gorge, souvent serré et pas toujours très confortable, pour laisser libre leur poitrine. Et après deux mois avec cette nouvelle habitude, difficile de remettre de la lingerie pour la plupart d’entre elles. En effet, la proportion de jeunes françaises de moins de 25 ans ne portant jamais de soutien-gorge s’élevait cet été à 13% (juin 2022), contre 20% en avril 2020, lors du premier confinement.
Alors certes, un recul existe dans ces chiffres, mais ils n’ont rien à voir avec ceux avant la crise sanitaire, puisque seulement 4% de la population féminine des moins de 25 ans ne portait pas de soutien-gorge de manière régulière en février 2020.
Différence d’âge
Pour autant, cette pratique n’est pas encore répandue à toutes les tranches d’âge. Sur un panel élargi à l’ensemble des Françaises (18 ans et plus), l’absence de soutien-gorge reste une pratique quotidienne beaucoup moins courante (6% en juin 2022) même si, là aussi, elle a aujourd’hui deux fois plus d’adeptes qu’avant le premier confinement (3% en février 2020).
Alors comment expliquer cette popularité du No Bra chez les jeunes ? Voici quelques pistes de réflexions.
Le néo-féminisme
François Kraus (IFOP) cite cette hypothèse en premier. En effet, le néo-féminisme promeut la libération du corps de la femme. Ce terme philosophique « soutient l’idée d’une complète complémentarité entre femmes et hommes plutôt qu’une supériorité d’un sexe sur l’autre ». Par conséquent, les femmes veulent aujourd’hui pouvoir porter ce qu’elles veulent, sans avoir peur du jugement des autres. Ainsi, elles souhaitent pouvoir porter des t-shirts moulants, ou non, sans avoir à porter des soutiens-gorges qui encore une fois vont les serrer, parfois même leur faire mal, ou encore les démanger quand elles transpirent lors de grandes chaleurs.
C’est ici que s’ajoute la deuxième hypothèse de François Kraus, le body positivisme.
Body positivisme
Que les poitrines soient généreuses ou au contraire petites, toutes doivent être acceptées et surtout assumées. Le mouvement « Body Positive », créé en 1996, mais particulièrement en vogue ces dernières années (notamment avec l’explosion des réseaux sociaux) a pour principal objectif d’accepter son corps, tel qu’il est. Même si nos complexes nous poussent à trouver notre corps trop grand, trop petit, trop maigre ou trop gros, le Body Positive incite à s’aimer, malgré nos « imperfections ». Ainsi, les femmes, notamment via internet, vont encore une fois porter ce qu’elles veulent sans se soucier du regard des gens sur elles.
Influenceuses
Ce n’est un secret pour personne, les jeunes entre 18 et 24 ans sont quasiment tous connectés aux réseaux sociaux. Twitter, Facebook, Tik Tok, Youtube ou encore Instagram sont leurs plus grands alliés. Et ce critère doit probablement jouer dans le fait que cette tranche d’âge est plus encline à s’emparer du mouvement « No Bra ». En fait, les influenceurs et notamment les influenceuses évoquent de plus en plus les sujets auparavant tabous, sur les plateformes digitales. Elles n’ont aucun mal à aborder les questions du body positivisme, donc, mais également du soutien-gorge.
En témoigne la « fitness girl » Juju FitCats. Justine, qui compte plus de 3 millions d’abonnés sur son compte Instagram et presque autant sur sa chaine Youtube, évoque régulièrement le sujet du No Bra. Adepte de longue date, elle partage son vécu dans des vidéos, explique les bienfaits qu’elle a ressentis en disant au revoir au soutien-gorge, et bien plus encore. De temps à autre, la jeune femme rappelle à quel point il est important de faire ce qu’on veut, d’être libre, et cela peut passer par ce fameux mouvement. « NON, il n’y a rien de MAL à ne pas vouloir porter de soutien-gorge, à laisser vos seins respirer sous vos vêtements, à avoir les tétons qui pointent sous un t-shirt près du corps. À la différence de ce que la société nous fait croire à nous les femmes depuis qu’on a l’âge de porter cet accessoire bien souvent inutile, les seins et leurs tétons n’ont rien de TABOU ! Vos poitrines, qu’elles soient petites, moyennes, grosses, rondes, en forme de poire et j’en passe sont BELLES. Alors soyez LIBRES, mesdemoiselles, LIBRES d’avoir le CHOIX de décider si OUI ou NON, vous souhaitez porter un soutif sans vous sentir jugé car le regard des autres ne devrait pas avoir d’impact sur vos actes et sur votre bien-être », a-t-elle écrit sous un post qui a atteint pas moins de 188 000 « j’aimes ». « Je suis juste votre petite Juju, là pour vous rappeler que vous devez être fière de VOUS et de votre corps avec ses qualités et ses défauts. »
Autre donnée spectaculaire, la vidéo Youtube de la jeune femme s’intitulant « Un an sans soutif : le bilan » a récolté 1 396 552 vues… Et ce n’est pour en citer qu’une seule. On imagine donc les répercussions que ce genre de vidéos a sur les jeunes femmes, et surtout la popularité de ce mouvement qu’est le « No Bra ».
Des bienfaits inattendus
Si beaucoup ne passent pas le cap d’enlever leur soutien-gorge, cela peut avoir un lien avec le fait d’être jugé, certes, mais aussi en raison de préjugés. Une vieille légende dit que la lingerie empêche les seins de tomber au fil des années… Mais de nombreuses études ont prouvé que c’était faux, et ont parfois même prouvé le contraire.
D’après le Journal des Femmes, sur les femmes adeptes du no bra ont une poitrine plus ferme, et la tenue des seins s’améliorerait.
Par ailleurs, une étude publiée sur le site National Library of Medicine, assure que la pression des vêtements sur votre peau perturbe la température et la mélatonine salivaire lors des rythmes circadiens. En clair, cela aurait des répercussions sur notre sommeil. Dire adieu au soutien-gorge aiderait donc à passer une bonne nuit.
Enfin, Grazia explique que « porter des soutiens-gorge a un impact néfaste sur la santé cardiovasculaire ». « Le fait de compresser la poitrine va créer une tension qui peut ralentir ou entraver la circulation en appuyant sur vos principaux vaisseaux sanguins », explique le média.
La France, nation pionnière ?
En revanche, un phénomène plus surprenant est à noter : la France, qui a été une pionnière dans l’adoption du soutien-gorge au XXe siècle, apparaît comme la patrie du « No Bra ». Si nous pouvions penser que le Royaume-Unis, où le body positivisme règne en maitre, serait forcément adepte du mouvement, la France est belle est bien la N.1 dans le domaine. Toujours selon l’enquête IFOP /Xlovecam l’hexagone serait le pays où l’on compte le plus de femmes qui ne portent pas de soutien-gorge dans l’ensemble de la population adulte, avec 6% d’adeptes, contre une moyenne de 4% pour le reste du monde. Mais ces résultats sont encore plus visibles chez les moins de 25 ans. En France, 13% des jeunes pratiquent le No Bra, contre à peine 3% en Espagne, 2% en Italie et seulement 1% au Royaume-Uni et en Allemagne.
Selon François Kraus (IFOP), « dans le pays de Simone de Beauvoir, il est difficile de ne pas voir dans ce goût pour le « No Bra » l’effet d’une conscience féministe plus aiguë. L’impact des discours médiatiques sur le sujet et peut-être aussi la « culture mode » d’un pays où l’adoption des nouvelles tendances se fait plus rapidement, surtout lorsqu’elles s’inscrivent dans une logique de confort », apparait là-aussi comme une logique.
* Étude Ifop pour XloveCam réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 21 au 27 juin 2022 auprès d’un échantillon de 5 039 personnes représentatif de la population de l’Italie, l’Espagne, la France, l’Allemagne et Royaume-Uni âgée de 18 ans et plus.