Comme souvent avec les affaires judiciaires, l’ordonnance d’un non-lieu des juges fait moins de bruit que les perquisitions et les mises en accusation. Plus de dix ans après le début de l’affaire, les deux juges d’instruction Annaïck Le Goff et Fabrice Naudé ont conclu à un non-lieu quasi général dans l’affaire des liens présumés susceptibles d’avoir été identifiés au début des années 2010 entre l’Olympique de Marseille et le banditisme corso-marseillais. Elle blanchit tous les dirigeants de l’OM de l’époque et hommes de l’ombre, à l’exception de deux faux agents.
Révélé par La Provence à son époque, le dossier avait été baptisé « Mercato ». Son contenu était explosif puisqu’il touchait (avant le big bang PSG) au club le plus populaire de France : l’Olympique de Marseille. Une série de dirigeants de et personnages influents, parmi lesquels Vincent Labrune, Jean-Claude Dassier, Pape Diouf, José Anigo ou Jean-Luc Barresi, avaient tour à tour été mis en examen, avant de faire annuler leur mise en cause, pour le statut de témoin assisté, « pour défaut d’indices graves ou concordants ». Le 18 mai 2017, Philippe Perez avait ouvert la voie, Pape Diouf avait suivi le 6 juin 2018, les autres jouiront du même sort entre novembre 2018 et septembre 2019.
L’affaire avait démarré comme une incidente de l’assassinat de Jacques Buttafoghi, le 19 novembre 2009, à Calenzana (Corse). Elle avait laissé percer des soupçons d’extorsions de fonds au préjudice d’agents de joueurs à l’initiative d’un groupe de malfaiteurs sévissant dans la région aixoise. L’enquête allait ramener les juges vers l’OM.
D’importantes investigations financières vont être diligentées autour des institutionnels du club, des joueurs, des agents sportifs. Plus de 60 personnes, 110 sociétés, 740 comptes bancaires seront passés au crible entre janvier 2007 et mai 2014. Des écoutes ont permis d’espionner les protagonistes présumés avec l’hypothèse que des agents de joueurs, aient pu être « pris par les Marseillais » et qu’ils « aient en main des joueurs licenciés à l’OM ».
Les investigations allaient mettre au jour des vrais-faux agents, comprenez des agents de joueurs qui exerçaient et touchaient des commissions sans détenir pour autant la licence. Le soupçon de pressions de membres du banditisme sur des joueurs de l’OM et leurs agents était entrevu. Les transferts seront aussi passés au crible.
L’enquête cheminera ainsi d’achats de joueurs à des prix excessifs vers des reventes à perte, avec des durées de contrats et des prolongations abusives, jusqu’à des salaires disproportionnés et des primes excessives versées aux joueurs.
Les véritables bénéficiaires étaient des agents au profil opaque. Les rémunérations des joueurs incluaient la rémunération d’agents qui n’apparaissaient pas aux contrats, voire la rémunération d’agents n’ayant jamais pris part aux négociations…
Seule subsiste à l’arrivée la qualification d’exercice illégal de la profession d’agent de joueurs. C’est ainsi qu’est renvoyé devant le tribunal correctionnel de Marseille l’agent Karim Aklil pour ce délit présumé. Il sera jugé le 23 septembre. L’agent Farid Ayad doit faire l’objet d’un plaider-coupable. Il a reconnu les faits. Les accusations d’association de malfaiteurs, de blanchiment et d’extorsion en bande organisée ont été abandonnées.
L’amertume de Dassier
« Dix ans pour constater mon innocence totale et celle de mes collaborateurs : mieux vaut tard que jamais… Mais tout de même, je n’oublierai pas la nuit passée dans les culs-de-basse-fosse de la République et les articles qui m’ont sali sans rien connaître des réalités… » Ainsi réagit Jean-Claude Dassier, ancien président de l’Olympique de Marseille, à l’annonce du non-lieu quasi général.
Pour Me Emmanuel Molina, l’avocat de José Anigo, son client « est satisfait de voir la réalité de son innocence pleine et entière rétablie et enfin reconnue par la
justice ». « À l’opprobre succède la vérité, a-t-il ajouté, celle d’un homme qui fut un grand directeur sportif de l’OM et un serviteur dévoué du club et de ses dirigeants. »