Si je vous dis Dória, ça vous rappelle quelque chose ? Pour les fans de l’Olympique de Marseille très certainement. Un joueur, annoncé comme un futur crack qui a rejoint le club en 2014, mais qui ne se sera jamais imposé.
Six ans après, « So Foot » l’a retrouvé au Mexique dans son nouveau club de Santos Laguna où il semble pleinement s’épanouir à 25 ans. Il se confie sur son passage à l’OM et n’est pas tendre avec Marcelo Bielsa, qui ne lui a jamais laissé sa chance.
Après plusieurs années à être envoyé en prêt à droite à gauche (São Paulo, Grenade, Malatyaspor), tu sembles enfin t’être posé…
« Oui, au Mexique, je me sens super bien. À Marseille, j’ai enchaîné les prêts, mais je voulais enfin me sentir important. En 2018, il me restait un an de contrat. C’est là que Santos s’est intéressé à moi : le directeur Pepe est venu chez moi à Marseille, il m’a montré le projet du club, ce qu’ils voulaient de moi au sein de l’équipe. Perso, je ne connaissais pas trop le championnat mexicain. Mon père est donc allé à Torreón, il y est resté une semaine pour connaître le club, la ville, visiter les maisons. Il a été rassurant, en disant que je ne devais pas avoir de doute, que je pouvais y aller sans problème ».
Et l’adaptation au Mexique s’est bien passée ?
« Tout s’est passé comme mon père me l’avait dit. Au Mexique, on joue deux tournois par an. Lors du dernier Apertura 2019, on fait un super parcours en finissant leaders avant d’être éliminés en quarts de finale. Au Mexique, certains clubs ont beaucoup d’argent. Au Santos Laguna, les installations sont meilleures que dans pas mal de clubs en Europe. Les gens ne regardent pas forcément la Liga MX, mais quiconque vient ici peut se rendre compte que c’est d’un très bon niveau. Ça ressemble au foot brésilien : les joueurs sont très techniques, les jeunes aiment jouer, dribbler. Toutes les équipes veulent avoir le ballon, jouer et attaquer. »
Tu insinues que c’est différent de ce que tu as connu en France ?
« Je dirais qu’en France, c’est plus rapide, mais il y a plus de force, plus de contacts. C’est très physique, donc c’est très défensif, plus tactique aussi. C’est plus perfectionniste aussi en matière de travail. Au Mexique, le jeu est peut-être plus lent, mais il y a vraiment de la qualité individuelle, de la technique. »
À Marseille, tu as voyagé entre la réserve, des prêts, et quelques matchs l’année où Rudi Garcia remplace Franck Passi (2016-2017). Tu n’as presque pas joué en quatre ans…
« Au début de ma carrière à Botafogo, je suis rapidement passé du centre de formation à l’équipe première, puis à la sélection brésilienne. J’allais jouer les Jeux olympiques chez moi. À 18 ans, j’avais déjà joué plus de 100 matchs avec Botafogo. Alors à Marseille, c’était vraiment dur. En quatre ans, je n’ai joué que deux ans en tout, sans compter les prêts. J’ai appris à jouer arrière gauche, maintenant je me sens plus en confiance et plus expérimenté. »
Si tu joues peu, c’est à cause d’une embrouille entre le coach Bielsa et le président Vincent Labrune…
« Je vais te dire : le président et Bielsa étaient OK pour me recruter. Mais ça a capoté. Finalement, j’ai signé avant la fin du mercato, et là, Bielsa s’est emporté contre Labrune : « Vous déconnez, vous m’avez dit qu’il ne venait pas, et maintenant il vient ? Vous passez au-dessus de mon pouvoir ! » Ils se sont disputés, et le coach a dit : « OK, tant pis, Dória ne jouera pas. » Moi, je n’avais aucun problème avec Bielsa ni Labrune. Je m’entraînais avec l’effectif pro, je travaillais en silence. Mais je passais le match sur le banc et le lendemain, je jouais avec l’équipe réserve. Ça m’a fait mal. »
Tu lui en veux, à Bielsa ?
« Si je lui reproche quelque chose ? Non, je n’ai rien contre lui. En vérité, il ne me parlait pas. Le conflit avec le président, seul lui sait ce qu’il s’est passé. J’essayais d’apprendre et de profiter de son travail et de l’appliquer dans mon jeu. Aujourd’hui encore, je m’en sers : la relance propre, au sol, ne pas laisser le ballon rebondir n’importe où dans ma zone. J’ai essayé de prendre le maximum de Bielsa en matière de foot. Après, humainement, c’est difficile, tu sais… »
Et tu ne lui en as jamais parlé directement ?
« De ce sujet-là, non. Il ne parlait pas beaucoup avec les joueurs. Il laissait les membres du staff le faire, et ses adjoints avaient un peu honte de venir à la fin de l’entraînement, s’approcher doucement, et m’annoncer que j’allais jouer avec la réserve. Parfois, ils m’envoyaient un SMS pour ne pas me le dire en face. Et s’il y avait un expulsé ou un blessé dans l’équipe, Bielsa alignait un milieu défensif ou un latéral pour ne pas avoir à me positionner en défense centrale. Il alignait même des gars du centre de formation comme Sparagna ou Aloe. Ce sont des bons joueurs, je n’ai rien contre eux, mais ils n’avaient jamais joué en pro, alors que j’étais dispo. Tout ça à cause de ce clash avec Labrune. Moi, comme je suis bien élevé, je ne disais rien, je m’entraînais pour qu’on ne parle pas de moi en mal. »
Une interview de « So Foot »