La pandémie a-t-elle satellisé les clubs français ? Lorient au bord de la crise de nerfs

La crise sanitaire de 2020-2021 a mis bien des clubs de football à genoux : du fait du confinement les stades se sont trouvés complètement vides ou avec des locations de gradins tellement espacés que les recettes ont gravement diminué.  Les solutions consistent, soit à vendre d’excellents joueurs au prix fort, soit d’être ouvert aux propositions des plus offrants. Les riches étrangers ont vu là d’excellentes opportunités d’investissement.

Le président Féry se veut rassurant

Loïc Fery, président directeur général de Chenavari Investment Managers, est propriétaire du FC Lorient depuis 2009. La lettre des supporters, publiée sur Tweeter, date du 18 janvier 2023 et s’intitule clairement : « Foley Out! » (Foley Er Maez en breton). 

L’acquisition de 30 millions d’euros par Bournemouth du joueur ex-lorientais Dango Ouattara, originaire de Ougadougou, au Burkina Faso, fait entrer tous ses supporteurs dans le monde des paris sportifs et de casino en ligne. Le président Féry rappelle qu’il reste l’actionnaire majoritaire et définit la stratégie de développement selon les accords passés, en renforçant l’identité locale, non l’inverse.

Les « merlus » de Lorient : un cas d’école

Le club de football de Lorient a opté pour l’écusson et le surnom du poisson le plus pêché par ses professionnels de haute mer : le merlu. Ce poisson est en forte abondance, entre 100 et 600 m de profondeur, tout au long de l’année, au large des côtes du Morbihan, qui en a fait une spécialité historique. Sur les écussons et illustrations du club, on voit aussi le bachi traditionnel (sans le pompon) de la marine nationale illustrer l’image du club.

L’identité forte du club, avec sa ville et son port, est indélébile. Le club tire sa force des marins qui l’alimentent de longue date. Il n’est donc pas étonnant de voir que ses supporters se révoltent à l’annonce de l’arrivée d’un nouvel actionnaire étranger. 

Qui est Bill Foley, le nouvel actionnaire de Lorient ?

L’homme qui suscite une telle colère chez les inconditionnels du club lorientais, entend apporter 40% du capital à l’équipe de Lorient, par l’entremise de Black Knight Football and Entertainment (BKFE) via la société cotée en bourse, Cannae Holdings : soit près de la moitié. Les Lorientais savent qu’en peu de temps, il a pris le contrôle à 100% du club anglais de Bournemouth. Âgé de 78 ans et ancien pilote d’aviation dans les années 1970, il a fait fortune dans les assurances, avec Fidelity National Financial.

Dans un autre registre, le hockey sur glace, il est fondateur et propriétaire à 85% de Vegas Golden Knights. La prise de contrôle de Bournemouth a sonné l’heure, où plus de la moitié des clubs de Premier League britannique est sous la coupe réglée de propriétaires américains richissimes. 

De toute évidence, Bill Foley veut s’inspirer des belles opérations réalisées Outre-Atlantique, pour s’attaquer au marché européen et à celui de l’Amérique du Sud, deux continents finalistes de la Coupe du monde. 

Le football européen sous tutelle américaine ? 

L’inquiétude des supporters lorientais apparaît donc raisonnable et légitime, car, par déduction, on peut se demander si le football français, comme son homologue britannique, ne va pas passer sous la mainmise américaine, dans des temps très rapprochés. 

Avant le constat d’une telle tendance globale, on doit la réaction épidermique du public, hostile à cette acquisition en douceur, au sentiment fort d’identité. 

Lettre ouverte au propriétaire du club

Les détracteurs de Bill Foley soulignent les « résultats cataclysmiques » qui ont accompagné la vente d’autres clubs français à ce genre d’investisseurs étrangers. Ils prévoient qu’en ce cas, le club lorientais ne deviendrait plus qu’un satellite, ou un terrain d’entraînement pour de futurs joueurs des autres clubs anglo-saxons gérés par Foley, comme Bournemouth, qu’ils voient devenir la « maison mère anglaise »

Implicitement, ils soulignent que si Fery se retire, Foley se trouve en pôle-position pour lancer les enchères de l’acquisition du club en totalité. 

La pandémie n’est pas une excuse

Les opposants à l’entrée de Foley dans le capital du club lorientais disent comprendre que la Pandémie a mis à mal bon nombre de clubs français, mais que la solution choisie par le Président Fery est la pire qu’ils pouvaient souhaiter. Hormis qu’ils sont très attachés à l’identité du club, ancrée jusque dans les fonds marins alentours, ces critiques ne disent pas quelles seraient les alternatives auxquelles ils seraient favorables. 

Ces arguments suffiront-ils à éteindre l’incendie ?