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Nibali: J’ai encore des rêves

Vincenzo Nibali a mis tout le monde dans sa poche lors du Tour de France. A 29 ans, en ramenant le maillot jaune en Italie, le requin de Messine trouve la reconnaissance sur le tard. C’est oublié que son palmarès n’en fait pas un vainqueur de la Grande Boucle au rabais. Portrait.

A 29 ans, Vincenzo Nibali a intégré le cercle fermé des coureurs qui se sont approprié les trois grands tours, Italie, France et Espagne. Après la Vuelta 2010 et le Giro 2013, le Tour 2014. Le Sicilien a rejoint les cinq coureurs (Jacques Anquetil, Felice Gimondi, Eddy Merckx, Bernard Hinault, Alberto Contador) qui ont gagné eux aussi les seules courses de trois semaines du calendrier international. Le champion d’Italie, en tête dès la deuxième étape à Sheffield, a porté le maillot jaune pendant 19 jours. Il ne l’a laissé que le temps d’un bref intérim d’une journée, le 14 juillet, au Français Tony Gallopin.

Le Requin de Messine, sa ville de naissance sur les bords du détroit où il a grandi avant de quitter sa famille pour s’exiler en Toscane à l’âge de 15 ans afin de bâtir sa future carrière, s’est montré le plus fort et surtout le plus constant. Sans donner de signe de faiblesse, il a gagné à quatre reprises (Sheffield, La Planche des Belles Filles, Chamrousse, Hautacam). Mais il a livré sa démonstration la plus éblouissante sur les pavés du Nord, où il a distancé de plus de deux minutes l’Espagnol Alberto Contador dans la 5e étape. Le vainqueur sortant, le Britannique Chris Froome, a abandonné sur chute avant les premiers pavés. Contador, l’autre favori au départ, a renoncé dans la 10e étape, lui aussi sur chute.

Nibali est le septième coureur italien à figurer au palmarès du Tour, 16 ans après Marco Pantani. Plutôt qu’au Pirate de Cesenatico, Nibali est comparé dans son pays à Felice Gimondi, le champion italien vainqueur du Tour 1965. A cause de son élégance et de sa maîtrise en course. A ses débuts, le Sicilien, porté par son tempérament d’attaquant, a souvent enregistré des déceptions. Surtout dans les grandes courses d’un jour qui font défaut à son palmarès, malgré de nombreuses places d’honneur. J’ai encore des rêves, a-t-il souri à la veille de son triomphe parisien. J’ai toujours aimé attaquer. Je ne suis pas rapide au sprint, je n’ai pas d’autre choix, explique souvent ce coureur de 29 ans qui a pour devise: risquer de perdre une course est parfois la meilleure façon de la gagner. Ou encore : Il n’y a pas que les données scientifiques, l’instinct est important. Comme disait Leonard de Vinci: la théorie ne suffit pas, il faut aussi mettre du coeur et du courage.

Champion post-Armstrong oblige, Nibali a plus souvent été interrogé sur sa propreté et le passif de son équipe Astana que sur ses futures ambitions. Je raconte mon histoire, mes racines, tous les sacrifices consentis pour en arriver là, répond le vainqueur du Tour. Le directeur du Tour, Christian Prudhomme, a renchéri: Le cyclisme a réellement changé parce que les contrôles aussi ont changé, parce que le passeport a été mis en place. Son équipe fait partie du Mouvement pour un cyclisme crédible (MPCC) et les contrôles sont les mêmes pour tout le monde.

On a affaire à un coureur qui maîtrise, qui n’écrase pas, a estimé le directeur du Tour, comblé par le scénario de cette 101e édition marquée par le retour de deux grands pays traditionnels du cyclisme, l’Italie et la France.

Il est le nouveau héros d’un cyclisme italien en crise. Depuis la dernière victoire italienne de Marco Pantani sur le Tour 1998, l’Italie se cherchait un fuoriclasse. Elle aura surtout vu les affaires de dopage se succéder de Pantani à Ricco en passant par Savoldelli, Pellizotti, Di Luca, Scarponi et Basso. A l’heure de la spécialisation, lui s’attache à un cyclisme complet dont il a fait étalage durant trois semaines. Bercé des grands exploits du cyclisme qu’il regardait sur les cassettes vidéo du magasin de location tenu par ses parents, Nibali compte tout quelques résultats de prestige: une victoire sur Tirreno-Adriatico 2013, une deuxième place sur Liège-Bastogne-Liège en 2012 et une 3e à Milan-SanRemo 2012, auxquelles il faut ajouter une 3e place sur le Tour en 2012 et une 2e place de la Vuelta en 2013. Son ascension linéaire depuis ses débuts professionnels à 20 ans, à l’opposé des trajectoires aussi fulgurantes que douteuses, lui accordent du crédit.

CLASSEMENT GENERAL DU TOUR DE FRANCE

TABLEAU DE BORD ETAPE PAR ETAPE DU TOUR DE FRANCE

CLASSEMENTS ANNEXES DU TOUR DE FRANCE
Présent à chaque fois

Pour s’assurer le maillot jaune du Tour de France, Vincenzo Nibali a répondu présent dans tous les moments chauds de la course.

9 juillet (Arenberg Porte du Hainaut): Le champion d’Italie, au pouvoir depuis sa victoire dans la deuxième étape à Sheffield, livre un grand numéro sur les secteurs pavés de Paris-Roubaix. Le rouleur néerlandais Lars Boom gagne l’étape à l’entrée de la trouée d’Arenberg mais le grand vainqueur s’appelle Nibali.

14 juillet (La Planche des Belles Filles): Le troisième acte du triptyque des Vosges marque la première arrivée au sommet. Dans le premier volet, deux jours plus tôt au-dessus de Gérardmer, Contador a grignoté trois secondes au maillot jaune. Mais l’Espagnol perd toute chance au bas de la descente glissante du Petit Ballon. Surpris par une déformation de la chaussée, il chute lourdement. Dans la montée finale, Nibali se montre le plus fort devant ses adversaires (dans l’ordre, Pinot, Valverde, Péraud, Bardet, Van Garderen).

18 et 19 juillet (Chamrousse et Risoul): Dans les deux arrivées au sommet des Alpes, Nibali éteint le suspens. C’est bien lui le plus fort. Il gagne en solitaire le premier jour, dans l’arrivée hors catégorie de Chamrousse, se contente de la deuxième place le lendemain à Risoul derrière le futur vainqueur du classement de la montagne, le Polonais Rafal Majka.

23 et 24 juillet (Saint-Lary Pla d’Adet et Hautacam): Les Pyrénées entérinent le verdict des Alpes. Tout en maîtrise, le maillot jaune contrôle ses adversaires dans les deux premières journées, quitte à accélérer dans la montée du Pla d’Adet pour grignoter quelques secondes avec Péraud. Il ajoute un lustre supplémentaire à sa victoire dans la dernière journée de montagne. A Hautacam, il attaque de loin, dès les premières rampes, pour s’en aller conquérir son quatrième succès d’étape. Ses adversaires, résignés, le laissent partir. Ils se concentrent sur les places d’honneur.

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