Astana, une équipe qui sent le souffre

Ses victoires et sa trajectoire donnent du crédit à Vincenzo Nibali, lauréat 2014 du Tour de France. Pourtant, sa carrière est jalonnée de rencontres qui alimentent les doutes. A commencer par l’équipe qui l’emploie. Astana, qui porte le nom de la capitale du Kazakhstan, son principal bailleur de fonds, est dans le collimateur des autorités antidopage depuis son apparition dans le peloton.

Avant le Tour de France 2013, la cellule dopage de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (Oclaesp) avait récupéré une information : le mode opératoire présumé d’approvisionnement de l’équipe Astana en produits pas forcément très licites. Pendant cette 100e édition de la Grande Boucle – sur laquelle Vincenzo Nibali avait préféré ne pas s’aligner après sa conquête du Giro –, les enquêteurs ont surveillé de près les allées et venues de la formation kazakhe. En vain.

Même vigilance, cette année, envers l’équipe du maillot jaune. Avec le même résultat. Astana est dans le collimateur des autorités antidopage depuis son apparition dans le peloton. Il faut dire que cette équipe est née en 2006 sur les cendres de Liberty Seguros, brûlée lors de l’opération Puerto – qui a mis au jour le vaste réseau de dopage sanguin organisé depuis Madrid par le médecin Eufemiano Fuentes. Faute d’un nombre suffisant de coureurs, l’équipe n’est pas en mesure de s’aligner sur le Tour 2006. Mais les organisateurs de la Grande Boucle l’acceptent au départ de l’édition suivante – au nom de la défense des intérêts économiques français au Kazakhstan, comme l’expliquera au Monde un ancien dirigeant d’Amaury Sport Organisation (ASO), le propriétaire de la course. Le Tour 2007 tourne au scandale avec le contrôle positif du coureur vedette de la formation. Alexandre Vinokourov est déclaré positif à une transfusion sanguine, après sa victoire homérique et en solitaire lors de la 13e étape. L’équipe se résigne à quitter la course, suspend ses activités et licencie son leader. Début août 2007, c’est le grand espoir d’Astana, Andrey Kashechkin, qui est à son tour déclaré positif pour une transfusion sanguine. Deux mois plus tard, Johan Bruyneel, le mentor de Lance Armstrong lors de ses sept Tours victorieux (1999-2005) prend les rênes de l’équipe. Il ramène dans ses valises Alberto Contador, le vainqueur de l’édition 2007. Mais echaudés par les affaires de 2007, les organisateurs du Tour ne retiennent pas l’équipe kazakhe pour l’édition 2008. Cela n’empêche pas Astana, grâce à Alberto Contador, de remporter le Giro et la Vuelta. En septembre, l’équipe fait à nouveau parler d’elle. Le retraité Armstrong annonce son retour dans le peloton. Astana se présente donc au départ du Tour 2009 avec deux leaders : Armstrong et Contador. L’Espagnol rafle son deuxième maillot jaune. L’Américain monte sur la troisième marche du podium. Et Astana remporte le classement par équipes. Quelques semaines plus tard, un rapport de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) dénonce le traitement de faveur dont a bénéficié, pendant la course, la formation du vainqueur de la part des contrôleurs de l’Union cycliste internationale (UCI).

Martinelli toujours présent

Bruyneel et Armstrong plaquent Astana à la fin de la saison pour fonder leur propre équipe, RadioShack. La voie est libre pour le retour de l’enfant du pays, Alexandre Vinokourov, qui a purgé sa suspension. Sur le Tour 2010, le Kazakh remporte une étape et permet à Alberto Contador d’être sacré une troisième fois. Mais Astana est de nouveau rattrapée par les affaires. En septembre, l’UCI annonce que Contador a été contrôlé positif au clenbutérol lors de la deuxième journée de repos. Après une longue procédure, l’Espagnol est suspendu un an et déchu de son titre. Contador parti à la concurrence, le Tchèque Roman Kreuziger devient le nouveau leader de l’équipe pour la saison 2011-2012. Deux semaines avant le départ du Tour 2014, son équipe actuelle, Tinkoff, l’a mis à pied après avoir été informée par l’UCI de l’ouverture d’une procédure disciplinaire en raison d’anomalies dans son passeport biologique en 2011 et 2012. Vinokourov met un terme à sa carrière de coureur après son sacre olympique à Londres. Il devient le manageur général de l’équipe. C’est alors qu’arrive Vincenzo Nibali. Fin 2012, après six saisons chez Liquigas – pas non plus exempte d’affaires de dopage -, Nibali, après avoir terminé troisième du Tour, signe chez Astana pour près de 4 millions d’euros par an. En 2013, il fait l’impasse sur la Grande Boucle pour empocher son premier Giro.

Martelé de questions durant le Tour, il a répondu sans détour. J’ai une bonne relation avec Martinelli. C’est grâce à lui si j’ai pu me rapprocher d’Astana, une équipe qui a beaucoup investi sur le groupe italien pour donner de la crédibilité, a-t-il expliqué, en rappelant qu’il a gardé son entraîneur de toujours Paolo Slongo. Giuseppe Martinelli a dirigé Pantani chez Mercatone Uno. Il a échappé par miracle à un renvoi devant le tribunal en Italie, avec ses anciens collaborateurs de l’équipe Lampre. En 2008, les carabiniers avaient démantelé un réseau de dopage organisé avec EPO, hormone de croissance et anabolisants au sein de la formation dirigée par Martinelli entre 2005 et 2007. Dans le passé, des erreurs ont été commises, et par beaucoup de gens. Il faut laisser le passé, donner de la place aux jeunes qui ont la volonté de changer. Il y a les contrôles inopinés, le passeport biologique… On ne peut pas dire que le cyclisme n’a pas changé, on est dans un cyclisme meilleur. Sans tout ça, je ne serai peut-être pas là.

CLASSEMENT GENERAL DU TOUR DE FRANCE

TABLEAU DE BORD ETAPE PAR ETAPE DU TOUR DE FRANCE

CLASSEMENTS ANNEXES DU TOUR DE FRANCE