À 35 ans, Grégory Baugé surnommé le « Tigre de la piste » a décidé de mettre un terme à sa carrière, il y a quelques jours. Celui qui a décroché neufs titres mondiaux et quatre médailles aux Jeux Olympiques s’est confié à Sport.fr, dans une interview exclusive. Il se livre et fait le bilan d’une carrière qui restera gravée dans l’histoire du cyclisme sur piste français.
Bonjour Grégory merci de nous répondre et encore bravo pour ta carrière XXL. Peux-tu nous donner la raison pour laquelle tu a décidé de mettre un terme à ta carrière ?
« J’ai ressenti au fond de moi que c’était le bon moment pour arrêter. Ce n’est pas une décision qui se prend comme ça à la légère mais c’est un constat à faire sur plusieurs semaines. Je n’arrivais plus à être à 100% aux entraînements et je n’ai jamais été comme ça donc forcément ça fait réfléchir. J’ai même parlé avec d’autres sportifs et ensuite j’ai réfléchi. Je me suis dit que ça ne servait à rien de commencer une nouvelle année dans ce contexte actuel. Moi qui voulais me battre pour une médaille olympique à Tokyo, je n’étais pas dans la bonne démarche pour atteindre cet objectif.
Ce n’est pas une question physique mais plus psychologique (au fond de moi). Pour moi tous les voyants étaient aux verts, j’étais motivé mais il y a une forme d’usure. Depuis l’âge de 16, 17 ans je suis au haut niveau, deux entraînements par jours, même le week-end. Je pense vraiment que c’est un tout et le corps c’est le même principe qu’une voiture. La seule différence c’est que le corps humain n’est pas une mécanique et on ne le répare pas comme ça. Au mois de décembre, j’ai réfléchi et j’ai donc pris la décision de mettre un terme à ma carrière. »
Le Covid a-t-il brisé tes rêves de derniers JO ?
« Forcément j’avais envisagé de faire les JO de Tokyo en 2020 et le Covid est arrivé. Si les Jeux s’étaient déroulés de façon normale, oui j’aurais finalement participé à la compétition. Comme je le dis souvent, je suis quelqu’un de croyant et si ça ne devait pas se faire c’est qu’il y a une bonne raison, tout simplement. Donc oui la situation a chamboulé pas mal de choses mais c’est la vie et je n’ai pas de soucis à l’accepter. »
Quel est ton plus gros regret ?
« Forcément le fait de ne pas avoir été champion Olympique notamment à Londres en 2012. Mes objectifs de carrière étaient de remporter l’or olympique et le titre de champion du monde. C’est un regret mais je le vis bien, je suis conscient d’avoir un gros palmarès et je n’ai pas à me plaindre sur ça. Il y a beaucoup de facteurs qui entrent en compte dans une carrière et c’est ça qui fait la beauté du sport, on ne peut jamais prévoir. »
Ça fait quoi d’entendre la Marseillaise ?
« Entendre la Marseillaise ça signifie qu’on a gagné. Entendre le chant de la nation, c’est beaucoup beaucoup d’émotions. Chaque fois que je suis monté sur un podium que ce soit collectivement ou individuellement c’était un immense bonheur et de très bons souvenirs. »
Qu’est-ce que cette riche carrière t’a apporté dans ta vie au quotidien ?
« Beaucoup de joie, de bonheur ! C’était 95% de ma vie jusqu’à maintenant. J’ai appris énormément de choses sur moi-même durant ces nombreuses années au plus haut niveau. La rigueur, la détermination, la volonté, se fixer des objectifs et ne pas renoncer jamais, même s’il peut y avoir des échecs. »
« Très peu de compétitions avant les JO de Tokyo«
Où en est ton sport (cyclisme sur piste) avec le covid-19 ?
« Les compétitions sont annulées et la Fédération française (trois jours avant) a dit non pour l’Equipe de France avec les Championnats d’Europe prévus en Bulgarie en novembre 2020. Un autre Championnat d’Europe en février 2021 a aussi été annulé. Tout devrait reprendre en avril – mai et il y aura très peu de compétitions avant de disputer les Jeux Olympiques, peu de préparation. »
Ta spécialité c’est le vélo sur piste dans un vélodrome, mais il existe aussi le vélo de route (Tour de France, Flèche Wallonne…), en tant que professionnel peux-tu nous expliquer la différence entre les deux ?
« Oui la plus grosse différence on va dire que c’est l’aspect. Sur la piste, tout se passe très rapidement en quelques minutes, on entre tout de suite dans le vif du sujet c’est un show ! Sur la route, il faut plus de temps et c’est plus ou moins monotone. Avant de vraiment voir l’action, il faut être patient et parfois attendre des heures.
Sur la piste, il y a moins de temps morts que sur la route, la pression est différente. Nous avons deux épreuves, collectives et individuelles, alors que sur la route c’est individuelle mais par exemple un sprinteur ne peut pas gagner autrement qu’en équipe. En revanche, ce sont des vélos différents par rapport à la route car ils n’ont pas de freins et ils sont conçus pour faire exclusivement de la piste.
Dernier point, avec la route nous avons la même Fédération mais côté route on évolue plus avec des équipes professionnelles, alors que pour la piste on dépend de cette Fédération. »
Quelle suite pour toi ?
« Rester dans le domaine du vélo pourquoi pas. J’entraîne déjà un petit peu au sein de mon club de l’US Créteil. Ça me plairait de continuer, après à quel niveau ? l’avenir nous le dira mais continuer dans cette voie oui c’est fort possible. Je suis originaire de la Guadeloupe et j’aimerais voir pour des projets pour mon île, les Antilles, les départements d’Outre-Mer parce que je n’oublie pas d’où je viens et le chemin parcouru pour en arriver-là.
Et pourquoi pas aider l’Equipe de France à trouver de nouveaux jeunes très talentueux car en Guadeloupe ou dans les Antilles en général, le vélo compte beaucoup. Il y a les infrastructures pour et un vrai gros vivier de jeunes talents comme j’ai pu le constater il y a quelques années lorsque j’ai fait un stage de 4, 5 jours avec des jeunes. »
Questions funs
Une petite série de questions pour en connaître un peu plus sur la vie au quotidien de notre nonuple champion du monde.
As-tu un objet ou rituel fétiche ?
« Non pas vraiment, j’ai toujours ma bible avec moi mais sinon pas de rituel particulier. »
Question food, ça mange quoi un pistard avant une course ?
(Rires) « Ça ne mange rien de particulier, pâtes, viandes, poissons, légumes, produits laitiers, fruits… » Pas de repas particulier très bien.
Tu te retrouves seul sur une île déserte, tu emmènes quoi avec toi ?
« Euh je pense à mon ordinateur car avec je peux tout faire, regarder des films, téléphoner, m’occuper… » Bonne chance pour trouver du réseau. « Oui c’est le seul petit problème mais ça devrait le faire (rires). »
Parlons musique, quelle est ta chanson ou ton titre du moment ?
« Je n’ai pas de chansons du moment et je n’écoute pas énormément la musique mais je suis plus branché sur des sons des Caraïbes. »
Quelle est ton équipe favorite ou quel(s) champion(s) admires-tu ?
« Moi je suis totalement fan de foot et surtout je supporte le Paris Saint-Germain. J’adore le sport et parmi les sportifs que j’admire, je pourrais dire Mike Tyson, Mohamed Ali, Floyd Mayweather Jr. (boxe) mais aussi Marie-José Pérec, Christine Arron (athlétisme). Ce sont deux personnes qui viennent de la Guadeloupe et leurs exploits étaient plus regardés. Kobe Bryant aussi, j’ai eu l’occasion de faire une photo avec lui et c’était un moment exceptionnel pour un fan de basket et de NBA comme moi. »
Si tu avais pu faire un autre sport, lequel aurais-tu choisi ?
« L’athlétisme, car il y a le sprint et j’adore ça. Je voulais faire de l’athlétisme mais mon père m’a conseillé de rester dans le vélo. Si je peux jumeler le vélo et l’athlétisme j’y vais direct. »
Décris-nous ta carrière en un mot
« Waaaa (rires) ! C’est la première fois qu’on me pose cette question et en réfléchissant bien, je dirais le mot plaisir. Prendre du plaisir, ce que j’ai toujours fait depuis que j’ai commencé le vélo vers 9, 10 ans. »
Merci encore une fois à Grégory Baugé pour sa gentillesse et sa disponibilité, bonne chance à lui et sa famille pour la suite !
Interview réalisée par Grégory Zerbone, une exclusivité pour Sport.fr